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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 22:46

Paru dans Le Monde le 18 Janvier 2011

Wi-Fi, téléphone portable, sans-fil... Quel effet ce bain d'ondes électromagnétiques quotidien a-t-il sur notre santé ? Difficile d'y voir clair tant les scientifiques eux-mêmes sont divisés sur la question. " Sur les centaines d'études parues, certaines identifient des effets potentiels, d'autres pas. Difficile donc pour les experts de prendre position ", explique Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). En février démarre une étude épidémiologique mondiale, Mobi-kids, cherchant à évaluer si les ondes du téléphone mobile provoquent des tumeurs malignes sur le cerveau des enfants.

 

Depuis plusieurs années, les Français vivent dans un bain d'ondes. En 2005, l'exposition moyenne dans la vie courante a été évaluée en équipant 400 personnes de sondes portées à la ceinture. " La plus forte source provenait de la radio FM (0,044 volt par mètre) suivie du Wi-Fi et du four micro-ondes (0,038 V/m). Venaient ensuite le téléphone sans fil (0,037 V/m) et le mobile 3G (0,037 V/m pour les antennes-relais et 0,036 V/m pour les téléphones) ", explique Jean-François Viel, épidémiologiste à Besançon, qui a coordonné cette étude. Les chercheurs ont relevé des pics d'exposition atteignant 2 à 4 V/m lors de la brève utilisation du four micro-ondes. D'autres pics sont apparus lors de l'usage individuel d'un téléphone mobile ou du sans-fil.

 

" Nous avons été surpris de l'importance relative du téléphone sans fil ", se souvient le professeur Viel. Celui-ci reconnaît que, depuis 2005, deux facteurs ont changé : la généralisation du Wi-Fi et l'usage exponentiel du téléphone mobile, notamment chez les enfants. C'est justement cela qui préoccupe. Aux Etats-Unis, l'utilisation du mobile par les moins de 12 ans a augmenté de 68 % en cinq ans, selon l'étude American Kids. 20 % des 6-7 ans l'utilisent même régulièrement, contre 11,9 % en 2005. L'ampleur de cette tendance, que l'on retrouve en Europe, n'avait été anticipée par aucun observateur. 

 

La première grande étude épidémiologique mondiale concernant l'usage du mobile, nommée Interphone, a été réalisée entre 2001 et 2004 sur des adultes de 30 à 60 ans et publiée en mai 2010. Sans réellement trancher. " A l'époque, les enfants n'étaient pas aussi exposés ", explique Martine Hours, épidémiologiste et coordonnatrice de cette étude pour la France. " Le jeune public est un sujet actuel de préoccupation pour trois raisons, poursuit-elle. Jusqu'à la fin de la croissance, les enfants ont un crâne moins épais ; leur tête est plus petite que celle d'un adulte, alors que le téléphone reste de la même taille ; enfin, à cet âge, le cerveau fait toutes ses connexions. Nous ne savons à ce jour pas quel est l'effet de ces ondes sur leur développement. "

 

Christian Person, physicien, chercheur au CNRS et professeur à Telecom Bretagne, fait également part de ses interrogations : " Les normes ont été développées pour des personnes adultes. Faut-il les remettre en cause ? " Un état de doute qui amène ces chercheurs à la plus grande prudence.

 

" Il faut 20 à 30 ans entre l'exposition et l'apparition d'un cancer : c'est ce qu'on appelle le délai de latence, explique Jean-François Viel. Concernant le téléphone mobile, le risque est probablement faible, donc dur à identifier. Nous n'avons pour l'instant pas assez de recul ", reconnaît humblement l'épidémiologiste. Malgré tout, le tableau ne paraît pas si noir. " L'exposition massive au téléphone a 10 ans. S'il y avait un risque du type de celui du tabac ou de l'amiante, on le saurait ", précise Martine Hours. " Mais statistiquement parlant, il y a toujours un risque de se tromper. L'intérêt est donc de faire beaucoup d'études. Si toutes vont dans le même sens, nous pourrons déterminer un lien de causalité. "

Certains travaux cherchent à modéliser le niveau d'exposition des ondes sur le corps d'un enfant. Comme l'étude Kidpocket qui a débuté en janvier 2010, explique Odile Picon, chercheur et dirigeant du laboratoire d'électronique Esycom : " L'impact des ondes sur le corps est-il plus important assis ou debout ? " L'un des champs d'investigation porte sur l'intensité des ondes près des parties génitales.

 

Par ailleurs, Mobikids va réunir la France, la Nouvelle-Zélande, Taïwan, Israël, le Canada, l'Australie, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas. " Nous allons demander à des neurologues et des neurochirurgiens d'avoir accès à leurs malades âgés de 10 à 24 ans ayant présenté des tumeurs malignes au cerveau, puis étudier si ces personnes ont eu une plus grande exposition aux ondes que les autres dans leur enfance ", détaille Martine Hours, qui participe à cette étude pour la France. Enfin, une étude appelée Cosmos, prévue pour durer trente ans, a démarré en avril 2010 dans cinq pays (Royaume-Uni, Suède, Finlande, Pays-Bas, Danemark). Au total, 250 000 usagers de téléphones mobiles, âgés de 18 à 69 ans, vont être étudiés en continu.

 

Chantal Jouanno, alors ministre de l'écologie, prônait dans Le Nouvel Observateur du 18 novembre 2010, une interdiction du portable " jusqu'à l'âge de 12 ans. Nous nous sommes battus pour le bannir des écoles. C'est fait, mais ce n'était pas évident : les jeunes constituent un très gros marché pour les fabricants ".

 

L'Anses devrait mettre en place prochainement un groupe de travail permanent afin de produire annuellement un état des connaissances quant aux effets sanitaires des radiofréquences. " Un amendement a été adopté en novembre afin de créer une taxe sur les opérateurs de téléphonie, ajoute Gérard Lasfargues, directeur scientifique à l'Anses. Le produit de cette taxe, estimé à 2 millions d'euros par an, sera affecté à l'Anses pour financer les recherches, principalement centrées sur les enfants. "

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