Les associations en pointe contre les dangers sanitaires de la téléphonie mobile n'ignorent pas la méfiance de la hiérarchie catholique à l'égard de la présence de ces antennes pour des motifs moraux : les églises doivent-elles favoriser le business des opérateurs ? Sont-elles des lieux appropriés pour relayer des contenus qui peuvent être douteux aux yeux des catholiques ? Décidées à contrer les opérateurs par tous les moyens, elles ne négligent aucune piste. Y compris celle des sacristies.
De l'Alsace à Rhône-Alpes, la pose d'antennes dans les clochers ne date pas d'hier. Selon l'Association française des opérateurs de téléphonie mobile (AFOM), environ 2 % des 50 000 antennes qui quadrillent le territoire y sont installées. En quête de "points hauts" - châteaux d'eau, silos, etc. -, SFR, Bouygues et Orange se voient souvent proposer le clocher par les maires eux-mêmes.
L'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, a relayé la protestation de la conférence des évêques de France. Sans succès. Les installations se poursuivent, sans toujours recueillir l'assentiment des riverains ni des curés. Ce qui pose un problème au plan juridique.
Les églises appartiennent aux communes. Une pose d'antenne dans un clocher relève donc de la compétence du maire. Mais le curé a-t-il son mot à dire ? Interpellé par ses électeurs, quelques-uns des maires des 750 villages de Moselle, le sénateur Jean-Louis Masson (non-inscrits) a voulu en avoir le coeur net. "Le débat s'est posé avec force au début de l'année quand plusieurs associations ont commencé à protester contre la présence de ces antennes. Les maires voulaient savoir s'ils pouvaient décider seuls d'une installation sans l'accord et sans aucune consultation du prêtre, ni du Conseil de fabrique", raconte M. Masson.
Institution spécifique au régime concordataire d'Alsace-Moselle, le Conseil de fabrique, qui réunit le maire, le curé et des paroissiens, est un établissement public qui gère les revenus et les biens de l'église. Dès lors, qui décide : le maire ou le curé ? La réponse du ministère de l'intérieur datée du 18 juin 2009 à la question écrite posée par le sénateur rappelle la prééminence de la commune mais pointe le droit de l'église : "Dès lors que l'église est affectée au culte, cette décision nécessite l'accord du prêtre en charge de la paroisse qui dispose du pouvoir de police dans l'édifice."
Ce flou juridique entretient des "clochemerle" de la téléphonie mobile. A Andlau, Raymonde Bianchi était déjà conseillère municipale quand la décision de la pose d'une première antenne sur le clocher de l'église Saint-Jean a été décidée, il y a plusieurs années de cela. Elle se souvient des moqueries quand elle a émis des réserves en évoquant de possibles risques pour la santé. "Le curé de l'époque n'était pas chaud mais on lui a dit : "c'est comme ça et pas autrement"." Interrogé, le curé d'aujourd'hui préfère ne pas s'exprimer "sur une question aussi complexe" et renvoie... au maire. Un édile qui reste muet lui aussi. Mme Bianchi assure que d'autres villages depuis ont réussi à s'opposer à de telles décisions via, justement, le Conseil de fabrique.
Les antennes relais seraient-elles devenues des abcès de fixation dans les villages ? Ou risquent-elles de le devenir dans la perspective d'installation d'autres antennes, comme celles apportant la technologie 3G ? Oui, mais pour les obtenir pas pour les détruire, insiste le sénateur de Moselle qui indique "avoir cent fois plus de maires qui viennent le voir parce que leur commune n'a pas l'Internet à haut débit. Là, ils deviennent méchants ! Et ils sont même prêts à payer pour ça". Un financement mixte opérateurs-communes existe en effet, mais seulement dans le cadre du programme gouvernemental destiné à couvrir les zones blanches d'ici à fin 2011. Dans tous les autres cas, l'installation est à la charge de l'opérateur et rapporte même un pécule à la commune. Ce qui, aux yeux des maires, représente forcément un autre attrait.